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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/92

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— « Il perdra son temps, ce petit Maligny, comme tous les autres… »Telle était la signification de ce geste, dont le « petit Maligny » eût souri à son tour, s’il avait été assez libre d’esprit pour observer les impressions des promeneurs croisés de la sorte. Il n’y prenait pas plus garde qu’au bandage de sa main droite, dont il se servait, à présent, comme de la gauche. Il n’avait d’attention que pour la jeune fille. Chacun des geste de Hilda, chacune de ses attitudes, sa grâce à tourner sa blonde tête, une inflexion souple de son buste svelte, ses rires gais à de certaines minutes, et, à d’autres, ses silences songeurs, avivaient en lui la flamme brûlante de la fantaisie. La pensée qu’une aventure, commencée de la sorte, pût se terminer autrement que les diverses histoires qui peuplaient déjà son court passé, trop bien rempli, de dilettante de l’amour, ne traversait même pas son esprit. Lorsqu’ils se séparèrent rue de Pomereu, au retour de cette première sortie, son unique préoccupation était d’imaginer un autre moyen d’avoir un second tête-à-tête. Il n’avait pas besoin de tant de ruses. Bob Campbell lui-même, avec sa simplicité habituelle, le renseigna sur l’heure où il pourrait, si cela lui convenait rencontrer Hilda au Bois.

— « L’Irlandais ne vous plaît pas ?… », avait-il demandé à Jules aussitôt. « Il faudra essayer le Rhône. Il est parfait, monté en homme, vous verrez… Hilda, vous reprends le cap de maure demain, avant onze heures. Vous lui donnerez un fort temps de galop, de quoi le baisser, que l’on puisse le présenter de nouveau, plus sage, à ce monsieur et à cette dame qui doivent revenir… »

Est-il besoin de dire que, le lendemain matin, l’amoureux — ou qui se croyait tel — avait, dès les neuf heures, parcouru, au trot allongé de Galopin, et