Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/93

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dans l’un et l’autre sens, l’inévitable allée des Poteaux ? Et faut-il ajouter que Hilda Campbell ne fut pas trop étonnée, quand elle l’aperçut, à son tour, qui venait de son côté ? La pauvre fille avait bien deviné qu’elle intéressait très particulièrement le jeune homme. Elle éprouvait, à cette constatation, un plaisir qu’elle n’eut pas la force de lui cacher. Son cœur était pris, et son entière innocence rendait cette passion naissante si dangereuse pour elle ! Comment le rusé personnage qui en était l’objet n’eût-il pas vu une invitation à pousser plus avant sa pointe dans un accueil comme celui qu’elle lui fit ? — Un éclair de joie avait brillé dans les yeux de la jeune fille, un sourire était venu à ses fraîches lèvres ourlées, et une douceur avait vibré dans sa voix timbrée d’un rien d’accent :

— « Me permettrez-vous de vous accompagner un bout de route, mademoiselle ? » avait-il demandé.

— « Le Bois est à tout le monde, » avait-elle répondu, enfantinement. Jules avait pris ces mots évasifs pour un « oui », dont il profita sans retard. Les voilà donc de nouveau partis ensemble, et la conversation de la veille recommençant, déjà plus intime :

— « Votre main n’a pas été trop fatiguée par la promenade d’hier ? », avait interrogé miss Campbell.

— « Pas le moins du monde, » répliqua-t-il. « J’ai passé tranquillement la soirée auprès de ma mère, à lire et à me reposer… Et vous même ? »ajouta-t-il. Puis insidieux : « Vous n’êtes pas sortie ? Vous n’êtes pas allée au théâtre ? »

— « Au théâtre ? », avait répété Hilda, avec son rire jeune et qui montrait la double rangée de ses dents claires. « Mon père ne m’y conduit jamais… Nous soupons à huit heures. Nous restons ensemble jusque vers les dix heures. Il sort et je vais dormir à onze… »

— « Tous les soirs ? »