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Page:Bourget - L’Écuyere, 1921.djvu/99

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galop à tombeau ouvert avec le cap de maure, — cette rentrée tranquille — et, pour finir, cet oubli. Quarante-huit heures s’écoulèrent, en effet, pendant lesquelles Jules de Maligny vint et alla, sans prendre garde à qui que ce fût et à quoi que ce fût, absorbé par une idée fixe et bien simple : chercher, sur la place de Paris, des camarades qui eussent chassé avec miss Campbell et qui lui donnassent, sur elle, des renseignements exacts. Il fallait, aussi, que la curiosité de ces camarades ne fût pas éveillée par les questions posées. Un diplomate sommeillait dans l’étourdi qu’était l’arrière-petit-fils de la grande dame polonaise. Il se réveilla pour la circonstance, et Jules réussit, du moins, à réaliser cette partie de son programme. Ni Maxime de Portille, ni Lucien Mosé, ni Longuillon, ni Raymond de Contay, les camarades de fête qu’il consulta, ne soupçonnèrent qu’il eût un petit battement de cœur, sous son veston, pour leur dire :

— « Je suis en marché, au sujet d’un cheval, avec Bob Campbell. J’ai vu chez lui sa fille. Elle est rudement jolie. Qui est-ce, au juste ?… »

— « …Une petite nigaude dont on n’a jamais pu tirer un mot. Elle s’était plus ou moins brisé quelque chose à la main en tombant, un jour, à Chantilly. Casal l’avait appelée la Cruche cassée… »

— « …Une petite sournoise qui doit faire ses farces dans les coins, ou je ne m’y connais pas. Le vieux Machault la serrait de près, et aussi La Guerche, avant son mariage… Mais les Anglaises trouvent le moyen de garder des figures d’anges avec des mœurs de faunesses… »

— « …Une petite grue qui ne pense qu’aux cadeaux et à l’argent. Je ne sais quel prince indien avait ses chevaux en pension chez le papa. Elle lui a carotté un diamant, gros comme une noisette… Donnant, donnant. C’est trop clair. »