Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/109

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que l’ombre d’une ombre, le fantôme d’un fantôme ? Une femme est morte pour nous quand elle ne remue plus dans notre cœur ni le désir ni la jalousie, et Francis n’était-il pas bien sûr que Pauline n’exerçait plus sur lui cette double puissance par laquelle elle l’avait esclavagé autrefois dans ses actions et si longtemps dans ses souvenirs ? Il eût vu sur cette affiche de l’hôtel, à côté du nom de Mme Raffraye, celui d’un Armand de Querne ou d’un François Vernantes, en eût-il souffert une minute ? Non, évidemment. De quelle hallucination étrange avait-il donc été la victime ? Elle ne pouvait s’expliquer que par le coup de foudre d’une surprise absolument inattendue, tombant sur des nerfs déjà ébranlés. Il avait craint une vengeance de son ancienne maîtresse… Et laquelle ? Que pouvait la malheureuse ? Révéler à Henriette leur commun passé ? Montrer ses lettres en admettant qu’elle les eût gardées ? Soit ! Qu’apprendrait de la sorte sa fiancée ? Qu’il avait aimé avec un cœur sincère, droit et loyal même dans la faute, une créature de ruse et de trahison. L’honnête, la généreuse enfant trouverait là matière à souffrir sans doute, à souffrir beaucoup, mais non pas à le mépriser. C’était cependant la pire issue à laquelle les scélératesses les plus cruelles de Pauline pussent aboutir. Se servir de l’enfant ? Et pourquoi faire ? Lui prouverait-elle que la petite n’était pas la fille de Vernantes