Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/125

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— « Qu’est-ce que pèsent ces vanités, » interrompit Henriette en regardant devant elle de ce regard par lequel l’enthousiasme des êtres jeunes semble prévoir et défier la destinée, « lorsqu’on est frappée si cruellement ? Et quand on n’a plus personne pour qui se parer, à quoi bon ?… »

Pouvait-elle mieux s’offrir à Francis, l’occasion de dire qu’il connaissait la femme dont Mme Scilly et sa fille racontaient, ou plutôt interprétaient l’histoire, avec leur âme naïve, si délicate, si prompte à admettre comme naturelle la plus rare des beautés morales : le romanesque dans l’honnêteté ? Il ne le saisit pourtant pas, ce prétexte qui ne devait plus, qui ne pouvait plus se représenter, et quoique de le laisser passer fût dangereux, au cas où une rencontre aurait lieu entre Henriette et Pauline. Comment expliquerait-il alors son silence si jamais Mme Scilly savait que Mme Raffraye avait été l’amie intime de Mme Archambault ? Se taire à cet instant, c’était se condamner à de terribles difficultés peut-être. C’était assurément commettre un premier grand mensonge vis-à-vis de sa fiancée. Mais où eût-il pris la force de parler ? D’abord l’émotion de cet événement, cependant bien simple, avait comme paralysé sa présence d’esprit. Nous sommes ainsi, prévoyant des complications infinies, et nous ne