Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/128

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moindre détail qui est la puérilité sublime des affections profondes :

— « J’ai peur que vous ne vous ressentiez encore de votre indisposition d’hier, mon bon Francis ?… »

— « Oui, » dit Henriette, « vous avez l’air si las, si abattu. Quelle imprudence de ne pas avoir consulté le docteur quand il est venu pour maman, ce soir !… »

— « Comme elles m’aiment !… » se disait le jeune homme, après s’être défendu de se sentir souffrant, avec cette fausse gaieté qui n’a jamais complètement trompé une vraie sollicitude. Aussi la comtesse et sa fille ne cessèrent-elles pas, durant toute la soirée, de jeter les yeux sur lui à la dérobée, et toutes deux étaient déjà trop habituées à lire dans sa physionomie pour n’y pas discerner les allées et venues d’une anxiété. C’était assez pour qu’elles devinssent à leur tour incapables de cette conversation prise et reprise librement, sans arrière-pensée ni sous-entendus, qui était la douce habitude de leur intimité. Pour la première fois depuis l’arrivée de Francis à Palerme, les deux femmes et le jeune homme sentirent s’abattre dans l’atmosphère du salon où ils passaient leurs paisibles jours ces étranges, ces imbrisables silences, qui annoncent à de chers foyers la menace de quelque redoutable crise. Toutes choses demeurent les mêmes autour des mêmes