Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/130

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

planches. Cette attitude du moins lui permettait de reprendre le fil de ses pensées, interrompues par la question de ses deux compagnes et par la nécessité de tromper une sollicitude trop facilement éveillée. Il en revenait au projet subitement conçu à table, celui d’un aveu à la comtesse, et il la regardait par-dessus les pages de son livre, occupée maintenant à continuer la tapisserie commencée par sa fille. Il étudiait ce visage amaigri et comme usé, mais où les souffrances de la maladie n’avaient pas altéré la fierté. Comme il arrive lorsque à la veille d’un entretien difficile on s’en figure à l’avance le détail, afin de s’éviter toute maladresse, Francis se mit à se représenter son tête-à-tête avec la noble femme. Il voyait son histoire comme reflétée dans cette intègre conscience. Que dirait pendant cette confession ce douloureux visage où la résignation religieuse se lisait à chaque ride ? Que diraient ces yeux surtout, dont les prunelles bleues, du même bleu que celles d’Henriette, révélaient une si pure, une si irréprochable ferveur ? Il s’entendait prononçant les premières paroles de son récit et déclarant d’abord qu’il connaissait cette Mme Raffraye dont on avait parlé la veille. Comme ce visage et ces yeux seraient à la fois étonnés et indulgents à ce début de leur entretien ! Comme ils s’assombriraient, d’étonnement toujours et de mélancolie, quand, ayant marqué l’importance qu’il attachait à cette