Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/154

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cette rencontre, Henriette lui parlât tout de suite d’une ressemblance saisissante entre le portrait de sa sœur Julie et cette enfant, c’était un coup un peu trop direct, une trop aiguë pénétration de pointe à la place la plus blessable de son être. Affolé d’inquiétude et passionnément désireux de reconquérir la paix intime, il venait, pendant plus d’une heure, de se complaire dans l’idée de l’hérédité et de ses mystérieuses révélations. Il s’était dit qu’il guérirait aussitôt de cet inexplicable malaise qui l’envahissait si la physionomie de l’enfant l’aidait à se ressaisir, si, par exemple, il retrouvait même la plus légère empreinte sur ce visage ou sur ce corps des traits ou des gestes du rival à cause duquel il avait rompu avec la mère. Et voici qu’il apprenait que cette physionomie portait en effet l’empreinte d’une autre physionomie, que ce visage rappelait un autre visage, mais il ne s’agissait plus de François Vernantes, ni d’une évidence libératrice. Ah ! Que la comédie de tranquillité à laquelle il s’exerçait depuis plusieurs jours en rougissant lui fut plus difficile à jouer après cette conversation, et comme il se serait vite trahi, si, par bonheur pour son repos, Henriette n’eût pas souffert de ce commencement de migraine à cause duquel il lui avait fait un amical reproche de sa sortie matinale. — Par bonheur ! Lui qui d’habitude, pour un peu de pâleur sur les joues de sa fiancée, pour un rien de toux, pour une