Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/158

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vérifiable pour que les plus justes rancunes et les plus sûrs raisonnements cédassent devant le besoin de connaître ce qu’il avait voulu ignorer des années, de le connaître à tout prix et tout de suite. La fièvre de ce désir fut si forte qu’à une minute il pensa sérieusement à monter jusqu’au salon de Mme Raffraye, à entrer, comme s’il se trompait de porte, pour les voir, elle et la petite fille !

— « Je deviens fou…, » se dit-il en repoussant le portrait et en s’abandonnant dans son fauteuil, la honte au front d’avoir seulement imaginé une pareille démarche après le silence outrageux où Pauline s’enfermait, après surtout la manière inexpiable dont il l’avait exécutée. D’ailleurs quelle nécessité y avait-il de recourir à des procédés de drame ou de roman ? C’était si simple, de faire comme avaient fait Henriette et Mme Scilly, de descendre au jardin vers les onze heures. Très probablement la mère, trop souffrante pour une grande promenade avant le déjeuner, et ne voulant pas abandonner Adèle avec la vieille domestique aux hasards d’une ville étrangère, les envoyait prendre le soleil, en bas, sous les hauts palmiers dont les panaches verdoyaient presque à portée de ses fenêtres. Oui, c’était si simple, — et cependant si compliqué. Depuis son arrivée à Palerme, Francis vivait avec sa fiancée dans cette communauté d’emploi du temps, imprudence