Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/157

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cette enfant deux fois. Un regard lui suffirait, l’éclair d’une seconde. Il portait sa sœur si présente dans la mémoire de sa tendresse, et à tous les âges, depuis cette lointaine époque ! Ils s’étaient tant aimés ! Que ne l’avait-il là pour le conseiller, pour l’aider à soulever ce poids horrible que les quelques mots d’Henriette avaient fini de lui mettre sur le cœur, pour lui dire, quand il verrait la petite : « Oui, c’est notre sang, » ou bien : « Non, elle n’a rien de nous !… » Il la croirait, elle, au lieu qu’il allait tourner et tourner sans cesse dans le cercle maudit de l’hésitation solitaire et silencieuse, à moins que cette ressemblance ne fût vraiment trop éloquente pour ne plus permettre le doute. Il y en a cependant de telles. Il se l’était encore répété ce matin. Et dans ce cas… Dans ce cas ?… Est-ce qu’il savait, est-ce qu’il pouvait savoir quelles seraient ses émotions, devant une circonstance à laquelle il n’avait jamais voulu penser ? Il avait tant cru posséder la vérité, tant considéré Pauline comme un monstre de duplicité avec lequel la seule victoire était l’absence et le silence. Il s’était si souvent démontré que la petite fille n’était pas sa fille à lui, et que, la fût-elle, jamais, jamais il n’en aurait la certitude. Il les avait fuies toutes deux, la mère et l’enfant, pour fuir cet horrible doute. Et maintenant il suffisait de l’idée de cette enfant toute voisine et de cette ressemblance immédiatement