Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/165

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devant lui, ressuscitée et vivante, sa sœur Julie, telle que le portrait effacé la lui représentait, telle surtout qu’il la gardait dans les visions de son souvenir. Adèle Raffraye, — car il n’hésita pas une seconde sur l’identité de la petite fille, — se tenait debout, appuyée contre le tronc d’un grand eucalyptus tout décortiqué, aux feuilles longues et comme vernissées. Auprès d’elle, sa poupée, — la poupée malade, — était assise sur une chaise et montrait de grosses joues dont les vives couleurs contrastaient comiquement avec les divers fichus qui enveloppaient sa poitrine de porcelaine. Sur une autre chaise, une bonne âgée, Annette sans doute, travaillait à tricoter un bas, et l’acier des aiguilles miroitait entre les mailles de laine bleue sans que les paupières baissées de la patiente ouvrière se relevassent. La petite fille, entièrement absorbée par le spectacle du jeu nouveau pour elle, se tenait comme en extase. Le mouvement de sa tête curieuse accompagnait le mouvement des balles d’une manière presque aussi exacte que les noms de nombre prononcés par les joueurs. Placé comme il l’était lui-même, à l’angle opposé du parallélogramme dessiné par le champ de tennis, Francis ne perdait pas un seul de ses clignements de paupières. Ses souples cheveux blonds à reflets bruns, — les cheveux de Julie enfant, — déroulaient une nappe ondulée que le vent faisait frissonner