Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/173

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l’identité entre collatéraux, devienne, pour quiconque s’est préoccupé de ces problèmes, un phénomène banal, quoique Francis Nayrac y eût pensé le matin encore, en se souvenant de Vernantes, et comme à une possibilité toute naturelle, quoique enfin il fût, en sa qualité d’homme de notre époque, assez familiarisé avec les résultats curieux de la science pour ne pas ignorer la loi constant de l’atavisme, cette ressemblance si implacablement accusatrice l’avait frappé d’un coup trop fort, trop subit, dans un pli trop malade déjà de son cœur. Elle avait pris tout de suite pour lui, et sur la place même, le caractère d’une sorte d’hallucination, il n’eût osé dire d’un miracle. Et cependant il eût vu, comme l’apôtre incrédule, le Sauveur lui apparaître et lui prendre les doigts pour les mettre dans la plaie ouverte par la lance, qu’il n’eût pas été remué d’une agitation plus affolante que celle dont il fut poursuivi toute la journée, — et cette émotion, il lui fallait la cacher, dût-il en étouffer. Qu’elles furent longues les minutes de ce jour-là, et qu’il dut déployer d’intime énergie pour tenir jusqu’à la nuit son rôle d’insouciance heureuse, de tendresse sans arrière-pensée ! Quand il se retrouva seul vers les onze heures, — seul, libre enfin de s’abandonner au frémissement dont vibrait tout son être, son effort volontaire de cette mortelle après-midi l’avait si violemment contracté qu’il éprouvait un intense