Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/174

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

malaise physique. Le besoin de marcher pour apaiser par du grand air et du mouvement ses nerfs déséquilibrés le précipita hors de sa chambre, et aussi le besoin de fuir cette maison où il était trop près des quatre personnes entre lesquelles allait se débattre, sans qu’elles s’en doutassent, le drame inattendu de sa vie passée et présente. Il se sentit trop près d’elles encore dans les rues de Palerme, silencieuses à ce moment de la nuit, mais à ces pierres se rattachaient déjà pour lui tant de souvenirs. Il y avait promené auprès de sa fiancée de si douces nonchalances. Il doubla le pas afin d’arriver plus vite dans la sombre et vaste campagne. À de certaines heures d’extrême crise morale, il semble que nous ne puissions respirer, souffrir, penser, que dans la grande solitude de la nature, comme si elle nous rapprochait de Dieu, de l’incompréhensible dispensateur des destinées, de Celui en qui nous souhaitons un Père et un Juge, — un Juge pour éclairer notre conscience, un Père pour aider notre faiblesse. Depuis que cette triste terre va roulant à travers les muets abîmes de cet espace infini, en a-t-il vu, ce Dieu inconnaissable, — témoin toujours présent, toujours caché, — en a-t-il vu de ses enfants, tourmentés, comme celui-là, par les tempêtes intérieures ! En a-t-il entendu de ces appels qu’il a paru ne pas écouter ! Nous saurons plus tard vers quel port ces tempêtes nous précipitent, mais