Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/179

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amours, des galanteries de hasard. Que savait-il ? Mais galante, sensuelle, avilie, quelque mépris qu’elle méritât, elle avait conçu par lui, Francis. Dans ce cher et fragile petit être, aperçu sous les arbres pendant un quart d’heure, il avait senti, il sentait frémir une parcelle de lui, un peu de sa chair et un peu de son sang. Cela ne se nie pas plus qu’une fièvre, qu’une blessure, qu’une émotion quelconque. Ah ! cher, ah ! fragile être et dont il n’empêcherait pas que subitement elle ne fût devenue pour lui une créature à part de toutes les autres, quelque chose d’aussi unique au monde que cette sœur autrefois à qui elle ressemblait tant ou que leur mère !

À travers ces pensées, il s’était engagé, sans y prendre garde, dans le chemin qui, par la Rocca, mène à Monreale, magnifique route de montagne qu’il avait suivie déjà plus d’une fois dans des sentiments si autres, pour aller avec sa fiancée visiter la vieille basilique normande, rayonnante de mosaïques, avec ce cloître aux fines colonnettes arabes, où chante un jet d’eau intarissablement épanché dans sa vasque sculptée. Il s’arrêta presque à mi-côte pour respirer, tant cette marche folle l’avait épuisé. D’un geste machinal il se retourna, et il demeura saisi, même dans son trouble, du spectacle de beauté qu’offrait cette nuit d’un décembre méridional. À ses pieds, des