Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/181

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jetée par leur faute sur ce sol de douleurs remue d’une émotion suprême et sainte, et qui en tremblent jusque dans le fond du fond de leur moralité. Soit que la trace trop marquée d’anciennes blessures rendît Francis plus sensible, soit que la ressemblance avec sa sœur eût attendri son être intime, soit que les circonstances particulièrement délicates où il avait retrouvé Adèle et Mme Raffraye le prédisposassent à des troubles de cet ordre, il fut saisi de cette grande émotion-là, du tremblement sacré de la responsabilité paternelle. La majesté religieuse de ce ciel immense, de ces astres immortels, de cette mer lointaine se mêla malgré lui à sa rêverie. Il sentit sourdre de son cœur et monter à ses lèvres une espèce de prière inarticulée pour cette douce et faible petite créature, née d’une femme deux fois adultère, mais elle-même si purement innocente, et qui dormait là-bas, dans une des maisons de cette ville étendue sous la transparence bleue de cette nuit, au pied de la montagne et sur le bord de la mer. Elle dormait, ses frais yeux clos, sa bouche demi-ouverte, de ce paisible sommeil des enfants autour desquels flotte une destinée qu’ils ne soupçonnent pas. Que ne pouvait-il veiller sur ce sommeil, et lui murmurer, pendant qu’elle ne les entendait pas, ces mots : « Ma fille… » qui lui jaillissaient de l’âme toujours et toujours plus brûlants ! Il lui semblait qu’à cette heure il