Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/183

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trouvé au berceau de la petite fille, dès le lendemain de sa naissance, à qui la faute ? À cette femme qui s’était conduite de manière à lui rendre impossible toute certitude sur l’enfant, sinon par ce double hasard d’une ressemblance et d’une rencontre également extraordinaires. S’il avait laissé grandir Adèle sans jamais avoir qu’un frémissement d’épouvante quand il y pensait, à qui la faute, sinon à cette femme encore ? À qui la faute, s’il avait associé cette pauvre petite fille à d’infâmes souvenirs de perfidie, à de honteux soupçons, à des visions abominables de luxure, s’il n’était même pas assuré d’être pareil demain à ce qu’il était aujourd’hui, s’il n’était déjà plus celui de tout à l’heure ? Qu’elle avait bien mérité, la misérable, les tortures de son agonie présente et qu’elle avait été scélérate à son égard ! Ne s’était-elle pas rendu justice d’ailleurs, et s’il avait pu conserver quelques doutes sur la trahison de jadis, quelle preuve, après tant d’autres, que ce fait de ne s’être jamais rapprochée de lui quand elle savait, elle aussi, par cette ressemblance, ayant connu Julie comme elle l’avait connue, de qui était cette fille ! Elle n’avait pas osé. Et, sentant à cette idée ses pires colères se réveiller douloureusement, il jeta ce cri qu’il avait jeté si souvent à d’autres horizons, durant son premier voyage, et qui contrastait avec la sérénité de cette douce nuit Sicilienne, moins encore qu’avec la