Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/190

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d’Adèle, il fallait qu’il acceptât ce premier fait qu’elle appartenait à sa mère de par la loi et de par la nature, de par l’éducation aussi et de par ses longues années d’abandon à lui. Se rapprocher de cette enfant était donc impossible sans implorer quoi ? le pardon de la mère ? Il irait, après les infamies dont elle s’était rendue coupable à son égard, s’humilier devant elle ?… Et qu’exigerait certainement cette femme ? Qu’il sacrifiât Mlle Scilly, lui qui savait combien il était aimé de cette noble créature et qu’elle avait mis sur ce mariage toutes ses espérances, toutes ses illusions, toute sa jeunesse ! D’ailleurs il ne s’agissait pas de sacrifices plus ou moins pénibles. La question était tout autre : que pourrait-il pour l’enfant, même si Pauline ne lui était pas hostile ? Cette enfant avait grandi sans lui. Elle n’avait pas eu besoin de lui. Elle n’en aurait pas besoin, puisqu’elle ignorait, puisqu’elle ignorerait toujours le criminel lien qui l’unissait à elle, puisque enfin, si la fatalité d’un conseil de médecin n’avait pas amené Mme Raffraye à Palerme, jamais ils ne se seraient vus. Ne pas s’occuper d’Adèle, c’était donc étouffer un instinct de tendresse, soudain réveillé, ce n’était pas faire un tort à l’enfant, au moins immédiat. Rompre son engagement avec Henriette, c’était briser aussitôt un cœur. Tel était cependant le choix que la circonstance lui imposait. Ne venait-il pas de se démontrer à lui-même que parler