Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/191

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

à sa fiancée en toute vérité était impossible, et se confesser maintenant à Mme Scilly, de quoi cela servirait-il ? Que lui conseillerait-elle, sinon ce que lui conseillait sa conscience ? À savoir que c’était à lui de souffrir seul, puisqu’il était seul coupable. « Souffrir seul !… » C’est dans ces termes que se résuma pour lui ce devoir dont il cherchait l’évidence. Oui, souffrir seul, — accepter cette incapacité de faire quoi que ce fût pour son enfant comme une grande épreuve, l’accepter et n’en étendre le contre-coup à personne en dehors de lui. Il le sentait trop par avance, aucune agonie ne serait comparable à celle qu’il s’imposerait en s’interdisant de même regarder cette petite Adèle alors qu’elle venait de pénétrer si avant dans son amour, rien qu’en lui montrant son doux et jeune visage, — ce visage trop pareil à celui de sa plus chère morte ! Il se l’interdirait cependant. Il aurait cette énergie. Il se comporterait de manière que toutes les heures de ses journées pussent être mises devant sa fiancée, sans qu’elle y trouvât un geste sur lequel l’interroger. Comme il s’enfonçait cette résolution dans le cœur avec la sorte d’ardeur du martyre que de semblables volontés mettent en nous, il s’aperçut que sa course de retour l’avait amené tout auprès de ce jardin Tasca, où il avait été si heureux l’autre matin, si heureux et si étrangement troublé d’une crainte superstitieuse. Il reconnut l’endroit avec une indicible