Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/195

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de l’Écriture que citait souvent Mme Scilly lui revenant à la mémoire, il la redit comme s’il eût cru absolument, tandis qu’il reprenait sa marche vers la ville, et il sentait pour la première fois ce que cet ordre du Rédempteur renferme de beauté sainte et de tendre espérance de pardon :

— « Prenez votre croix et suivez-moi… »

Cette résolution, sur laquelle il se coucha enfin, au terme de cette étrange promenade, d’accepter l’épreuve, de souffrir, de se laisser souffrir sans plus manquer à un seul de ses devoirs présents, parce que cette souffrance était juste, aurait eu besoin, pour durer, d’une croyance plus positive et plus fervente. Le sentimentalisme religieux abonde en sublimes élans, mais la foi seule nous maintient fermes et droits dans des projets presque contraires à la nature, comme celui-ci : savoir tout d’un coup que l’on est le père d’une enfant qui va, qui vient à quelques pas de vous, — le savoir, le penser, le sentir et s’interdire de même regarder cette enfant. Cette atroce volonté soutint cependant cet homme tourmenté plus de jours qu’il ne l’eût espéré lui-même, à cause de l’implacable rigueur avec laquelle il s’y conforma aussitôt. Comme il l’avait bien compris dans ses heures de torturante méditation, le moindre compromis devait le perdre. Oui, il fallait qu’il eût le courage de ne plus même regarder l’enfant, s’il la rencontrait.