Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/194

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uns de ses amis de jeunesse qu’il avait connus, engagés comme lui dans des aventures de cet ordre, et il demeura épouvanté à la pensée qu’une mystérieuse et inévitable expiation les avait tous atteints tôt ou tard… Celui-ci était mort avant l’âge, à l’heure où riche, amoureux, heureux, de quitter la vie lui était si amer. Cet autre, marié depuis, était misérable dans ses enfants, en ayant perdu deux déjà, qu’il adorait. Un troisième avait roulé de dégradation en dégradation et il se trouvait en ce moment sous le coup du plus déshonorant procès… Et les femmes ? La funeste issue de vingt scandaleuses existences, longtemps enviées, lui apparut tout d’un coup. Quoiqu’il n’eût gardé du Christianisme qu’un soupir nostalgique vers la foi complète, sans cesse corrompu par le scepticisme, Francis eut réellement à cette seconde et devant cette intuition d’une surnaturelle et sûre justice manifestée par tant d’exemples le même frisson qu’il eût éprouvé si les croyances de sa quinzième année fussent demeurées intactes en lui. Il avait commis, lui aussi, l’inexpiable péché, et dans quelles circonstances, avec une femme si jeune et dont il s’était cru le premier amant ! Il s’était servi, pour la séduire, de la plus délicate des émotions, d’une amitié exaltée pour une mourante. Il devait s’estimer heureux si le châtiment se bornait à son actuelle douleur, et, une phrase