Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/202

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même pas la vérité sur cette naissance. Dieu ! la cruelle fin de cruelles amours !

Combien de temps aurait duré l’énergie de renoncement ainsi déployée par Francis ? — Des mois peut-être, si un accident inattendu n’avait surgi pour bouleverser derechef l’édifice paradoxal de sa résolution. Il était de si bonne foi que pendant ces jours, les plus troublés qu’il eût connus depuis sa rupture, deux fois il se trouva face à face dans l’escalier avec Mme Raffraye et l’enfant, — et deux fois, à peine la silhouette de son ancienne maîtresse reconnue, il eut le courage de détourner la tête et de ne pas regarder. Mais, s’il luttait avec une courageuse ténacité contre les faits, il n’en était pas de même dans l’ordre des sentiments. Car à travers tout cela, il n’essayait point, ce qui eût été plus sincère encore, de déraciner l’amour maladif qu’il sentait grandir en lui pour sa fille. Le pouvait-il, d’ailleurs ? Il appartenait à cette race très particulière de passionnés à principes, qui se croient quittes avec leur conscience lorsqu’ils se sont imposé une certaine manière d’agir, et ils s’abandonnent intérieurement aux pires fantaisies, aux plus coupables frénésies de leurs émotions. Ces hommes-là sont capables de persévérer, comme avait fait Nayrac, des années durant ; dans une rupture avec une femme qu’ils aiment à la folie, et ils sont incapables de dominer