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Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/21

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Partant de ce principe que l’esprit d’analyse est funeste à la volonté, certains critiques ont considéré l’influence de ce roman comme énervante et dissolvante, particulièrement sur les jeunes gens. L’égoïsme et le scepticisme leur ont paru être le résultat nécessaire de ce travail de reploiement intérieur. « Trop penser à ses propres joies et à ses propres douleurs, » vont-ils répétant, « c’est trop penser à soi-même, c’est donc hypertrophier peu à peu ce sentiment du moi, que le premier principe de la morale est au contraire de subordonner. C’est aussi paralyser sa propre énergie, car l’abus de la pensée, qui aboutit à la multiplication extrême des points de vue, a pour conséquence l’incertitude dans la décision. Tel est le double et inévitable effet de la littérature d’analyse chez ceux qui s’attardent à cette dangereuse discipline… » Et de là à flétrir éloquemment ces soi-disant professeurs de défaillances, il n’y a que la distance de quelques métaphores. Le malheur est que cette objection-ci repose sur une de ces formules que l’on oublie de contrôler, tant elles sont courantes. Cette antithèse entre l’esprit d’analyse et l’action est en effet un de ces lieux communs, si chers aux essayistes contemporains que nous l’avons tous plus ou moins admise sans la vérifier. Quelques exemples célèbres sont encore venus la confirmer, entre autres