Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/211

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être de frémir, de se transformer. À mesure qu’elle s’abandonnait de la sorte au passage de ses impressions, et que les faces diverses de sa jeune nature se révélaient en se succédant, Francis constatait davantage encore quelle analogie d’âme aussi bien que de visage unissait sa sœur enfant à cette petite. Cette ressemblance aboutissait à une espèce d’identité grâce au mirage du souvenir, et voici qu’il subissait de nouveau ce sentiment qui l’avait envahi dans le jardin, d’une apparition à demi fantastique Le fantôme de la morte, avec laquelle il avait joué doucement dans des soirs de Noël très lointains, lui revenait, pour se mêler, pour se juxtaposer à la forme vivante de la frêle et jolie créature qu’il continuait de contempler, qu’il étreignait du regard comme il eût voulu l’étreindre de ses bras. Mais entre elle et lui, entre cette étreinte et ce corps où coulait cependant un peu de son sang, il y avait matériellement à cette seconde une autre personne, — symbole exact jusqu’à la torture de sa destinée actuelle. Ce qu’il aimait le plus au monde était là auprès de lui, incarné dans deux têtes passionnément chéries. Que ne pouvait-il les pencher l’une vers l’autre, donner ces deux existences l’une à l’autre, unir ces deux cœurs, faire de l’une la fille de l’autre, et les aimer plus en les aimant ensemble de ce qu’elles s’aimeraient entre elles ! Rêve insensé, à la fois si naïf et si