Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/210

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cou fragile et faisait encore ressortir la nuance si particulièrement délicate de ce teint qu’Henriette avait comparé le premier jour à la pâleur dorée de l’intérieur d’une rose blonde. Ce teint souffrant s’harmonisait d’une manière attendrissante avec l’expression rêveuse, presque amère de la bouche au repos. Il semblait, lorsque le rire n’animait pas ces lèvres si fraîches, qu’une inconsciente mélancolie sommeillait dans ce petit être. Les enfants nés de l’adultère portent souvent dans leur physionomie de ces expressions de détresse prématurée. Un reste de l’angoisse dans laquelle ils furent conçus, entre deux remords et sous la menace d’un danger, repose dans l’arrière-fond de leurs prunelles. On croirait parfois que leur instinct pressent, qu’il devine la tristesse cachée de leur coupable naissance et son mensonge. Et pourtant, avec cette profondeur quelquefois inquiétante de son regard, Adèle avait bien son âge, cette facilité à vibrer gaiement au moindre plaisir, cette joie de vivre irréfléchie, spontanée, presque animale. Car les musiciens napolitains n’eurent pas plus tôt commencé de jouer et de chanter, s’accompagnant, celui-ci du violon, cet autre de la mandoline, un troisième des castagnettes, un quatrième dansant, un cinquième grimaçant, — les joues de la petite commencèrent, elles aussi, de se roser, ses prunelles de briller, sa bouche de sourire, tout son