Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/214

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

le battement de cœur qu’il continuait de subir. Sans cesse, cependant, et tandis qu’il causait, ses yeux se tournaient du côté de la petite fille, qui tout d’un coup, et par hasard, tourna aussi les yeux vers lui. Pour la première fois, ces prunelles d’un brun si frais dans ce teint si finement rosé le regardèrent, comme avait fait Pauline l’autre matin, — tout naturellement, tout tranquillement. Puis ce regard passa, avec le même naturel, avec la même tranquillité, sur la ligne des spectateurs rangés derrière eux, pour revenir à l’arbre de Noël et aux musiciens, toujours aussi tranquille, aussi naturel Francis le savait trop, qu’il n’était que cela pour Adèle : une personne quelconque à laquelle la mémoire de l’enfant n’attachait, ne pouvait attacher aucune idée particulière. Pourquoi cette absolue indifférence lui serra-t-elle le cœur comme la plus triste des épreuves qu’il eût supportées depuis ces trois dures semaines ? Qu’espérait-il donc de cette pauvre petite fille, après avoir déployé une énergie de plusieurs années à la mettre systématiquement en dehors de sa vie ? S’imaginait-il qu’une suggestion de tendresse émanerait de son regard capable d’éveiller chez elle le cri du sang qu’il écoutait gronder plus fortement que jamais dans son cœur ? Son instinct de paternité, si violemment, si soudainement éveillé, venait de souffrir d’une souffrance presque physique. Il n’avait,