Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/215

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sans doute il n’aurait jamais de sa fille même la sympathie d’étrangère apprivoisée qu’elle montrait maintenant à Mlle Scilly ! Cette dernière avait eu raison de dire l’autre jour qu’elle possédait un sortilège pour se faire aimer des êtres simples. N’ayant pas commis la faute de la première rencontre dans le jardin, celle d’approcher trop vite l’enfant, elle avait laissé à la jolie sauvage le temps de l’examiner à la dérobée, de la juger et de subir ce charme souverain, insinuant tout ensemble et irrésistible, la grâce et la douceur dans la beauté. L’envahissement de ce charme fut rendu comme perceptible par la détente de la défiance physique qui s’accomplit dans Adèle. Peu à peu elle avait cessé de se replier vers le coin du fauteuil, où elle s’était, à l’entrée des dames Scilly, comme réfugiée sous la protection de sa bonne. Son petit corps avait repris la libre facilité de ses mouvements. On sentait qu’elle respirait plus à l’aise. Deux ou trois fois, devant quelque pantalonnade par trop drôlatique d’un des chanteurs, elle rit en même temps que riait sa voisine, et il vint une seconde où la jeune fille et l’enfant commencèrent de causer ensemble. Ce fut le simple mouvement par lequel une fine antilope d’abord épouvantée broute dans la main tendue qui la faisait fuir une verte poignée de feuillages. Quel bienfait cette mystérieuse magie de séduction eût été pour Francis si elle s’était