Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/218

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mobile où chaque pensée transparaissait comme le sang à travers le réseau de veines bleuâtres dessiné au coin de sa fine tempe. Elle dit :

— « Je vous remercie, madame, maman était bien ces jours-ci. Elle a repris un peu froid hier et aujourd’hui elle s’est sentie fatiguée. Elle n’a pas voulu me garder auprès d’elle. Elle a toujours peur que je ne m’ennuie à Palerme et que je ne regrette Molamboz. C’est vrai. J’aime bien notre campagne, mais j’aime encore mieux être ici avec elle… »

— « Vous verrez comme ce beau soleil la guérira vite, » dit Henriette, qui regretta d’avoir évoqué l’image de Mme Raffraye, en voyant comme ce cœur de neuf ans était sensible aux moindres nuances : « Maman était très malade aussi quand elle est venue. Maintenant, vous voyez, elle est tout à fait bien portante… » Puis elle voulut quitter ce sujet par peur de blesser à nouveau la petite, et elle ajouta : « Il faut aussi que je vous dise de ne pas m’appeler madame, mais mademoiselle Henriette. Voulez-vous ?… »

Adèle semblait ne pas avoir écouté la fin de la phrase, tant elle s’absorbait dans le visage de Mme Scilly qu’elle regardait, qu’elle étudiait plutôt en ce moment avec une curiosité passionnée. Il était trop aisé de deviner pourquoi. Sa tête raisonneuse d’enfant comparait la physionomie de la comtesse à la physionomie de l’être qu’elle