Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/221

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que cette femme avait montré à sa fille. Francis n’aurait-il pas dû être heureux qu’il en fût ainsi ? N’était-ce pas un soulagement pour sa conscience de constater que l’existence de la pauvre petite avait ranimé dans Pauline le sens aboli des devoirs et des responsabilités ? S’il eût reconnu à l’attitude d’Adèle ce secret malaise des enfants très aimants et peu aimés, cette meurtrissure intime des mauvais traitements, qui déforme l’âme pour toujours, n’aurait-il pas maudit son ancienne maîtresse plus encore pour cette injustice dénaturée que pour les perfidies de jadis ? Pourquoi donc, durant tout ce dialogue et pendant le silence qui suivit, restait-il si péniblement affecté, quand il venait d’avoir la seule évidence qui puisse consoler et rassurer un père, séparé à jamais d’avec sa fille ? Et il écoutait cette torturante conversation recommencer :

— « Nous, » disait Adèle, « nous sommes ici depuis presque quatre semaines. En février cela fera deux mois. » Cette phrase était pour elle la visible traduction de cette autre : « En février maman sera guérie…, » car un éclair de joie s’était rallumé dans ses prunelles brunes, tandis qu’Henriette lui demandait :

— « C’est la première fois que vous voyagez ? »

— « Non, » dit la petite, « je suis allée souvent à Besançon voir ma tante… »

— « Et à Paris ?… »