Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/222

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée


— « Jamais. Nous avons dû y aller quand maman était si malade, pour consulter un autre médecin. Et puis elle n’a pas voulu… Annette m’a dit qu’elle déteste cette ville depuis que mon pauvre papa y est mort… Est-ce que le vôtre est à Palerme ?… » ajoutait-elle.

— « J’ai perdu mon père, moi aussi, » répondit Henriette, « il y a bien longtemps… »

— « Mais vous l’avez vu, » interrogea l’enfant, « vous vous le rappelez ? »

— « Oui, » dit Henriette, « j’avais neuf ans… »

— « Juste comme moi maintenant, » reprit la petite. Elle regarda de nouveau Mlle Scilly, avec le geste de quelqu’un qui va parler d’un sujet très intime et qui hésite.

— « Mademoiselle…, » et comme Henriette la regardait de ses beaux yeux si tendres, « je voudrais vous demander une chose… »

— « Laquelle ? » dit la jeune fille.

— « Lorsqu’on se retrouve au ciel, après la mort, et qu’on ne s’est jamais vus vivants, comment se reconnaît-on ? »

— « C’est le secret du bon Dieu, » répondit Henriette. Elle était trop ingénument pieuse elle-même pour sourire à la question de la petite fille, qu’elle répéta presque aussitôt à son fiancé, et elle ajouta : « Quelle étrange et touchante enfant !… » Elle ne se doutait pas que cette phrase