Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/226

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Adèle seule dans cette campagne déserte avec sa vieille Annette et les autres domestiques. On l’emmènerait… Mais où, et qui ? Quels personnages inconnus se cachaient derrière cet « on, » indéfini et menaçant comme le sort ? Sans doute cette tante de Besançon, à laquelle la petite avait fait allusion, la recueillerait. Cette parente serait-elle une bonne seconde mère ? Même si elle était bonne, comprendrait-elle ce cœur d’enfant auquel les gâteries d’autrefois auraient donné un tel besoin d’une caresse continue, d’une atmosphère constamment douce et chaude ? Et si cette tante n’était pas bonne, si Adèle tombait tout à coup, du paradis d’affection où elle avait grandi, dans ce pire des enfers, l’hostilité de la famille ?… Francis venait de trop intimement, de trop profondément s’unir en pensée à la vibrante et passionnée nature de sa fille, il l’avait sentie trop pareille à lui, pour que toutes les souffrances probables d’une telle transplantation ne lui fussent pas rendues immédiatement perceptibles. Ce frêle organisme y résisterait-il ? Tout ne lui serait-il pas meurtrissure et blessure ? La petite irait et viendrait, gardant au fond de ses yeux bruns, agrandis encore par la maigreur de son pauvre visage, cette horrible expression de martyre qui devrait faire se relever de sa tombe une mère ou un père. Et la mère ne se relèverait pas !… — Et le père ?… — Si Adèle vivait malgré cette épreuve, si elle atteignait