Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/225

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à lui-même une heure plus tard. « C’est trop triste… » Seulement ces mots, qui pour la jeune fille ne représentaient rien de précis, se traduisaient pour lui en des images d’une affreuse netteté. Il voyait Pauline mourir. Quoique, depuis le moment où il s’était rencontré avec Adèle, son ancienne maîtresse eût reculé comme au second plan de ses préoccupations, cette idée lui donnait une sorte de frisson unique, celui qui nous prend devant l’agonie d’une chair que nous sentîmes palpiter contre notre chair avec les profondes énergies mystérieuses de l’amour. Oui, Pauline mourrait bientôt, très tôt, sans doute là-bas, à son retour au pays, après quelqu’une de ces fausses convalescences que le tiède soleil du Midi donne aux poitrinaires. La petite Adèle serait là, qui verrait, elle, réellement, ce spectacle horrible, qu’il avait contemplé lui aussi, encore si jeune, au chevet du lit de mort de sa mère. Comme elles sont courtes, ces heures où nous avons devant nos yeux le masque pâle, immobile, muet, de ce qui fut un visage vivant et tendre, le miroir pour nous d’une âme qui nous chérissait ! Comme elles sont courtes, et quelle place elles prennent dans notre souvenir, dans cette légende de mélancolie qui nous accompagne ensuite à travers nos joies les plus heureuses ! Qu’il est dur que cette légende commence si vite et par une vision semblable !… On ne laisserait certainement pas