Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/229

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lui murmurait le terrible mot qui sert de prétexte à tant de lâchetés et d’hypocrisies : « Est-ce mentir que de se taire ?… » Ce silence suffisait cependant pour que des relations s’établissent entre sa fille et sa fiancée, où il n’entrerait pour rien et qui lui seraient d’une telle douceur. Il contemplerait l’enfant, il l’approcherait, il lui parlerait sans avoir à s’en cacher comme d’un crime !… Mais un pareil état de choses entraînait une autre conséquence nécessaire : si Adèle devenait, à un degré quelconque, la familière des dames Scilly, Pauline Raffraye les connaîtrait aussi… Quelle répulsion cette idée avait soulevée en lui la première fois qu’il avait imaginé ce spectacle pour lui monstrueux : cette criminelle complice de son adultère assise auprès d’Henriette et de la comtesse, ces deux honnêtes femmes s’intéressant à cette malheureuse, lui parlant, la plaignant, l’embrassant peut-être !… Fallait-il que cette soirée passée auprès de la petite Adèle eût jeté le désarroi dans tout son cœur, pour qu’il plaidât en ce moment contre cette répulsion, éprouvée encore tout à l’heure quand il avait constaté combien l’enfant chérissait sa mère ! Mais Pauline, en effet, n’était-elle pas estimable en tant que mère ? Sa tendresse de neuf années pour la douce petite fille ne méritait-elle point qu’il oubliât ses noires trahisons, qu’il les lui pardonnât enfin ?… Ah ! Que ne pardonnerait-il pas