Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/230

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pour être certain qu’il acquerrait la possibilité de ne jamais perdre de vue l’enfant ? C’était le résultat qu’il entrevoyait par delà toutes ces arguties de sa conscience. Si des relations se nouaient à Palerme entre les deux familles, ces relations continueraient, du moins par correspondance, une fois de retour en France. Il aurait une chance de savoir comment vivrait Adèle, quoi qu’il arrivât, une chance par conséquent de diminuer sa souffrance si elle souffrait, de l’aider si elle avait besoin d’aide. Il était si sûr d’avance que la noblesse de ce but excuserait aux yeux d’Henriette ce qu’il y aurait eu d’un peu incorrect dans les moyens, quand elle saurait la vérité. Car, une fois mariés, il la lui dirait, il se donnait sa parole de la lui dire, trouvant dans cette volonté bien arrêtée une absolution devant lui-même. S’il eût été moins enivré du roman insensé qu’il se racontait ainsi par avance, il aurait reconnu qu’il raisonnait comme ces infidèles dépositaires qui dépensent une somme prise dans une caisse en se jurant de la rendre ce soir, demain, dans huit jours. En toute matière, qu’il s’agisse d’argent ou de sentiment, la probité se reconnaît à ce signe qu’elle ne comporte ni les transactions ni les nuances. Il l’avait bien senti dans sa méditation du premier soir. Mais la fibre paternelle venait d’être touchée trop fortement, et cela, après des journées trop complaisamment passées à se regarder