Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/239

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sentiront à la fin combien était vil, combien n’était rien ce qu’ils ont aimé !… » Elle les avait souvent redits, ces mots qui sonnent le glas de toutes les affections mortelles, depuis des années. Ce fut sur eux, ce soir encore, qu’elle posa le livre. L’écho lui en avait résonné trop avant dans le cœur. Elle y avait trouvé ramassées, en un cri trop aigu, les émotions de sa jeunesse si horriblement déçue, que lui infligeait toujours un simple coup d’œil jeté sur ces papiers d’autrefois. Elle ne pouvait cependant se décider ni à les détruire ni à les reléguer hors de sa portée ! Ah ! ces feuilles, si souvent maniées, avec leur écriture déjà jaunie, comme Francis fut demeuré épouvanté s’il en avait seulement lu quelques-unes, au hasard !… C’étaient d’abord ses lettres à lui, puis quelques mots d’Armand de Querne, enfin une longue correspondance avec François Vernantes, — bref toutes les pièces du procès d’infamie qu’il avait fait à la Pauline Raffraye de 1877. Mais ce dossier de leur commune histoire, au lieu de prouver les trahisons dont il s’était cru si sûr, attestait que l’imprudente et malheureuse femme ne lui avait jamais menti. Non, elle n’avait pas eu d’amant avant lui. Elle n’en avait pas eu d’autre pendant leur liaison. Elle n’en avait pas eu après leur rupture. Les sept ou huit billets d’Armand démontraient qu’il n’y avait eu réellement entre eux qu’une légère, qu’une innocente familiarité