Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/240

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de monde. Les fréquentes et longues lettres de Vernantes révélaient une amitié romanesque, sans la moindre nuance de passion ou de galanterie, toute en estime et en tendres respects de la part de l’ami, en reconnaissance émue et en fine direction spirituelle de la part de l’amie. C’était la condamnation de Francis que ces pages, et la réhabilitation de Pauline, une preuve, hélas ! après tant d’autres, que la jalousie torturante d’un homme et la révolte d’une femme outragée sont de tout puissants artisans de malentendus entre les êtres les plus sincèrement épris. Elles disaient cela, ces lettres, et qu’en suppliciant cette femme par ses dégradantes défiances, en la soupçonnant sur des étourderies d’attitude, en l’outrageant sur des racontars de salon, en l’abandonnant enfin sur l’équivoque ressemblance d’une silhouette aperçue à une porte, Nayrac avait commis la plus atroce, la plus irréparable des iniquités. Si elle avait refusé de consigner de Querne à sa porte dès la première sommation, ç’avait été par une trop naturelle ignorance du danger vers lequel elle courait. Si, plus tard, elle avait tenu tête à son amant à l’occasion de Vernantes, ç’avait été par cette rancune exaspérée qu’un excès d’injustice éveille chez une créature passionnée. Si elle ne s’était défendue que par l’indignation et par le silence quand Francis était venu, l’insulte à la bouche, proclamer qu’il l’avait vue, la veille, entrer