Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/252

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elle ajouta, donnant, avec une câline finesse de petite femme, un tour plus touchant à une idée trop triste : « Nous avons aussi causé du paradis et de ceux qui nous y attendent… Tu comprends ?… » Et, prenant de ses deux mains la main qui flattait toujours ses boucles : « Tu n’es pas fâchée, maman ?… » conclut-elle.

— « Non, mon petit être…, » dit Pauline, et malgré son trouble elle se sentit prise de pitié pour l’anxiété de ces tendres yeux qui lui révélaient, une fois de plus, une âme visionnaire à force d’amour. Mais cette conversation avec Mlle Scilly n’était rien encore à côté d’une autre qu’elle redoutait trop, et elle insista : « Tu n’as parlé qu’à cette demoiselle ?… »

— « Rien qu’à elle, » répondit l’enfant, « Pourquoi me demandes-tu cela ? »

— « Pour être sûre que tu as été très sage, » fit la mère, « et maintenant va coucher ta nouvelle fille et te coucher toi-même… » Elle souriait de nouveau en renvoyant Adèle sur cette phrase de badinage. Aussitôt seule, l’émotion remplaça ce rire trompeur sur sa bouche redevenue amère, et elle dit presque à voix haute : « Allons, il n’a pas osé. Une fois de plus j’aurai eu peur pour rien… » Mais si elle avait pris, comme cela lui arrivait quelquefois, pour suivre les progrès de sa misère physique, le miroir à main caché sous les oreillers, elle y eût aperçu des traits décomposés