Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/265

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devez, voyez-vous, quand ce ne serait que par justice et pour que je vous pardonne toutes mes misères… »

Au moment où le jeune homme avait saisi le bras de Mme Raffraye, cette dernière s’était dégagée, en reculant de quelques pas, comme si ce contact lui infligeait un trop douloureux frémissement d’horreur. Puis elle était demeurée immobile, sans plus essayer de couper court immédiatement à cette conversation. Elle avait pourtant été d’une entière bonne foi en menaçant Francis et en s’élançant pour sonner. Elle eût sans doute contraint le jeune homme à partir, comme elle le lui avait enjoint tout de suite, soit par quelque cri, soit en se retirant dans sa chambre, dont la porte restait ouverte derrière elle, s’il s’était contenté de la supplier. Mais il avait mêlé à cette supplication des phrases qui touchaient ce cœur de femme à une place trop ulcérée et depuis trop d’années. Il avait parlé comme une victime, lui, le bourreau ; comme un juge, lui, le coupable ! « Je ne viens pas avec des idées de vengeance !… Vous m’avez fait tant de mal !… Pour que je vous pardonne !… » Il avait osé proférer ces mots. À les entendre, Pauline avait senti tressaillir et palpiter en elle cet impérieux, cet irrésistible appétit d’équité qui soulève toute créature humaine contre la calomnie. Cette révolte fut plus forte en elle que la prudence et que le parti pris, et elle répondit :