Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/288

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mots, « comme tu l’aimes, et que c’est heureux qu’il t’aime aussi ! Tu souffrirais trop !… »

Grâce à ce délicat dévouement de sa fiancée, qu’il ne devait jamais savoir, une scène pénible fut donc épargnée à Nayrac, quand vers les six heures il se retrouva dans le petit salon où tout son bonheur avait tenu si longtemps. Rien n’avait changé du tableau d’intimité qui suffisait, quelques semaines plus tôt, à exorciser les funestes images soulevées par l’arrivée de Pauline Raffraye à Palerme. Les mêmes lampes posées aux mêmes places éclairaient de leur clarté doucement atténuée le même retrait en rotonde protégé par le haut paravent, et ce décor d’étoffes aux nuances passées, de plantes vertes, de fleurs méridionales, encadrait les deux mêmes visages de femme, sur lesquels le jeune homme pouvait lire la même tendre sollicitude. Mais le charme n’était plus assez fort pour triompher maintenant de ses tumultes intérieurs. Hélas ! Il ne la sentit même pas en ce moment-là, cette magie de sa récente et déjà si lointaine félicité. Il revenait de sa longue et folle promenade à travers la ville et la campagne, ayant pris une résolution qui lui interdisait ces attendrissements. Il avait compris que, s’il voulait échapper à ce cauchemar dont la fièvre augmentait pour lui à chaque journée, il devait quitter Palerme, et tout de suite. Il ne pouvait plus, honnêtement, sincèrement,