Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/302

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Mme Raffraye serait donc mécontente que l’enfant ait causé avec nous l’autre soir ?… » Elle tomba alors dans une de ces profondes rêveries où il s’élabore dans notre esprit d’inconscients raisonnements fondés sur d’inconscientes mais invincibles associations d’idées. L’observation de la veille sur le trouble où le nom de cette femme avait jeté Francis lui revint à la mémoire. Quoiqu’elle n’imaginât en aucune manière quel lien pouvait unir ces deux faits, leur coexistence dans son esprit aboutit à un accroissement bien particulier de son malaise moral. Car une fois revenue auprès de sa mère et de son fiancé, elle n’osa pas mentionner ce petit épisode comme elle eût fait dans toute autre circonstance. Si on l’avait interrogée, elle n’eût peut-être pas su dire devant quoi elle reculait. En réalité, il lui eût été presque insupportable de surprendre, à cette occasion, un nouveau tressaillement de Francis, et, sans s’expliquer pourquoi, elle était sûre qu’elle le surprendrait. Cette matinée se passa pour elle ainsi, jusque vers les onze heures et demie, à lutter contre la déraisonnable obsession des indistinctes, des confuses méfiances soulevées dans sa pensée. Vers ce moment, comme elle se trouvait seule, Mme Scilly étant allée de son côté à la messe accompagnée de Francis, il lui arriva, tout naturellement, de mettre le front pour rêver contre celle des fenêtres du salon qui donnait sur