Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/301

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comme d’un songe par la voix de la vieille Marguerite, qui lui dit tout d’un coup :

— « Nous allons avoir des nouvelles de cette pauvre Mme Raffraye. Voici Mlle Adèle qui vient sur notre trottoir avec Annette… »

Henriette aperçut en effet l’enfant qui était environ à trente pas, et aussitôt elle vit avec stupeur la bonne prendre la main de la petite et l’entraîner à travers la chaussée sur l’autre trottoir, celui qui longe la divine terrasse du palais Butera. Ce mouvement si brusque avait une si indiscutable signification, que Marguerite s’arrêta une seconde comme stupéfiée, et elle dit à sa maîtresse :

— « On croirait qu’elles ont peur de nous… »

— « Es-tu sûre qu’elles nous aient vues ?… » dit Henriette.

— « Sûre comme vous êtes là, mademoiselle, » répondit la femme de chambre, qui ajouta : « Peut-être que Mme Raffraye est plus mal et que ça les ennuie de donner des nouvelles, ou qu’elles sont pressées d’arriver pour leur messe… »

Quoique ni l’une ni l’autre de ces deux raisons ne parût valable à Henriette, elle ne les releva point. Déjà si péniblement disposée, elle avait éprouvé devant l’étrange procédé de la bonne d’Adèle Raffraye une surprise qui tout de suite lui avait suggéré cette idée : « Cette fille n’agirait pas ainsi d’elle-même. Elle obéit à des ordres…