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quelconque, mais positif et précis, devait soulager notre angoisse. À coup sûr, si elle n’eût pas été entraînée par un intime mouvement d’une grande violence, elle eût hésité très longtemps avant de se hasarder, comme elle fit tout d’un coup, à descendre seule en bas. Comme si elle avait voulu se donner une excuse à elle-même, elle prit sur un rayon de l’étagère un volume de roman anglais emprunté à la bibliothèque de l’hôtel. Deux minutes plus tard, elle entrait dans le grand salon vide, où se trouvait cette bibliothèque. Dans un des coins, l’arbre de Noël tendait ses branches aujourd’hui éteintes. Le temps de poser le livre sur un rayon et elle franchit la porte-fenêtre qui donnait sur le jardin. Adèle était justement dans la grande allée en face, occupée à un jeu qui l’absorbait si complètement, qu’elle n’entendit pas cette approche. Henriette, elle aussi, se rappela s’être amusée avec la même folle ardeur à ce jeu « des épingles » connu de toutes les petites filles, et qui consiste à les chasser, ces épingles, hors d’un cercle tracé par terre, à coups de balle élastique. La balle rebondissait, leste et agile, sous la paume de la main ouverte d’Adèle, et la petite suivait cette balle de tout son joli corps, et ses yeux brillaient, ses minces narines s’ouvraient, tout son visage exprimait une joie de vivre qui se changea en un sursaut de demi-