Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/308

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— « Oui, » répliqua la petite fille, qui se répéta deux ou trois fois à elle-même tout bas comme pour se graver ces syllabes dans la tête : « Francis Nayrac, Francis Nayrac… »

— « Je ne l’attends pas, » reprit Henriette, et elle ajouta, le cœur déchiré par sa propre question : « Alors vous avez fait sa connaissance ? Vous lui avez parlé ?… »

— « Oh ! non, » dit Adèle, « j’ai été trop effrayée quand je suis rentrée et que j’ai vu maman sur son lit, si pâle, si pâle, comme ceci… » et elle abaissa ses paupières sur ses jolis yeux qui avaient vu cette scène dont la révélation bouleversait celle qui l’écoutait, et elle continuait avec l’inconsciente cruauté de son ignorance et de son âge : « Et lui, il était aussi effrayé que moi, il tremblait comme ceci… Il doit être bien bon… »

— « C’était avant-hier, n’est-ce pas ?… » demanda Henriette.

— « Oui, avant-hier, » dit la petite fille, qui, toute saisie de la voix altérée avec laquelle cette question lui fut posée, reprit à son tour : « Vous êtes encore fâchée, et contre moi ?… »

— « Vers deux heures ?… » continua Mlle Scilly.

— « Puisque vous le savez, pourquoi me le demandez-vous ?… Maintenant vous me faites peur…, » dit Adèle de plus en plus étonnée par l’inexplicable trouble où son récit jetait la fiancée de Francis. Malgré l’intensité de ce trouble, cette