Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/310

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taire. Une créature jeune et vraie comme elle était, porte en elle-même une vertu de confiance qui la rend quelquefois dupe, mais cette confiance la préserve des vilenies et la revêt d’une beauté morale si supérieure aux misères de la prudence humaine, qu’il vaut mieux être trompé ainsi. Durant le temps qui s’écoula entre sa rentrée dans le salon et celle de Francis, Henriette réfléchit que le motif qu’il avait eu de se taire devait tenir à des fibres bien intimes de son cœur. Elle le chérissait, ce cœur, autant qu’elle l’estimait. Elle sentit que ce serait une dureté affreuse de forcer le jeune homme à parler devant la comtesse. Elle eut le courage de contenir sa fièvre intérieure quand elle le vit, et elle s’assit à table comme tous les jours, avec un visage qu’elle s’efforça de rendre paisible, et elle dut subir de la part de son fiancé et de sa mère ces petites gronderies amicales sur un plat refusé ou un verre de vin non touché, qui sont le tendre enfantillage des intimités de ce genre. — Quelle ironie encore quand on a sur l’âme le poids qu’elle y avait ! — Elle dut surtout écouter, sans crier, ce dialogue échangé à une certaine minute, à côté d’elle qui savait ce qu’elle savait : — « Marguerite m’a donné de meilleures nouvelles de notre pauvre voisine…, » disait Mme Scilly.

— « Est-ce qu’elle pourra s’installer bientôt dans sa villa ?… » demandait Francis. Que cette