Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/313

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beaucoup, parmi les amants de cette race, ont reculé des années une rupture qu’ils désiraient avec les cruelles énergies de la jeunesse, plutôt que d’entendre ce cri d’une agonie dont ils étaient les bourreaux. Mais quand nous l’aimons, cette femme qui souffre par nous, et d’un amour passionné, quand la voix qui gémit vers nous est celle d’une créature idolâtrée, cette plainte va chercher dans l’arrière-fond de notre personne la plus secrète fibre et la plus blessable. Il n’est pas de résolution alors, si raisonnée soit-elle, qui tienne contre le besoin fou d’apaiser ce soupir, d’essuyer ces larmes, de panser cette plaie que nous ne pouvons pas supporter de voir saigner. Ce ne fut qu’une minute, et déjà Francis s’était mis à genoux devant sa fiancée, il lui prenait les mains, il les lui serrait, il la suppliait :

— « Calmez-vous, Henriette, » disait-il, « si vous m’aimez. Vous me faites trop de mal… Mon Dieu ! Comme je vous sens tremblante et tourmentée et à cause de moi !… Regardez-moi, voyez comme je vous aime cependant. Écoutez comme je vous parle avec tout mon cœur. Parlez-moi aussi avec le vôtre… C’est mon départ qui vous désespère ? Mais croyez-vous qu’il ne me désespère pas moi-même ? D’être loin de vous me sera si dur, que je ne pourrai jamais m’y décider si je dois penser que je vous laisse dans un pareil chagrin… Mon Dieu ! Elle ne me répond