Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/325

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

avaient touché trop profondément la pauvre fille, encore affolée par la conversation de tout à l’heure. Elle se prit soudain à éclater en sanglots, et elle se jeta dans les bras de la comtesse en criant de désespoir à travers ses brûlantes larmes :

— « Que vous êtes bonne, maman, et que je vous aime !… Mais je ne peux pas supporter plus longtemps ce chagrin… Ah ! je suis trop, trop malheureuse… »

— « Quel chagrin ? » disait la mère. « Trop malheureuse ? Qu’as-tu donc ? Francis, qu’a-t-elle donc ?… » Et elle pressait, elle berçait sa fille contre son cœur. Elle lui prodiguait les mots de tendresse, jusqu’à ce qu’elle vit que cette crise de larmes et de douleur menaçait de se prolonger. Elle dit alors à Nayrac, en forçant Henriette à marcher, en la portant plutôt qu’elle ne la soutenait : « Ouvrez-moi, mon ami. Je vais la conduire à sa chambre et la faire un peu reposer sur son lit… Vous m’attendez, n’est-ce pas ?… »

Quand il eut refermé la porte qui du salon conduisait à la chambre de Mme Scilly, laquelle communiquait elle-même avec la chambre d’Henriette, le jeune homme se laissa tomber comme vaincu sur une chaise, et il songea, le coude appuyé à la table où tant de fois il avait contemplé Henriette en train de se pencher sur un billet ou sur un livre, avec l’or de ses beaux cheveux blonds qui brillait dans le soleil. Et maintenant elle