Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/324

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souffrant, mon pauvre Francis, mais que l’imagination entrait pour la moitié dans votre souffrance. Il est d’avis qu’un déplacement, quel qu’il soit, suffira amplement pour vous remettre. Au lieu de vous laisser partir seul pour Paris, c’est nous qui partons avec vous pour ce tour de Sicile qui nous a déjà tentés et que le docteur me permet. Nous voyons Girgenti, Catane, Taormina, Syracuse, et nous gagnons de la sorte le 20 ou le 25. Vous ne serez ni l’un ni l’autre frustrés d’un jour. Si cette combinaison ne remet pas un peu de gaieté sur ces deux figures d’enterrement, c’est que vous avez bien envie de vous faire souffrir l’un l’autre. Allons, souriez-vous en me souriant et que ce soit fini… »

Le contraste était trop poignant entre l’état moral des deux fiancés et le ton de simple bonhomie avec lequel la comtesse avait formulé cette proposition d’un voyage, autrefois leur secret désir, puis dont ils n’avaient pas voulu parler par égard pour la santé de leur chère malade. Pour Francis surtout, ce discours de celle qui l’appelait son enfant fut trop cruel à écouter. Il venait d’y retrouver cette simplicité familiale d’esprit, de cœur et d’existence qui lui était, depuis six mois, un enchantement ; comme il retrouva tous les dangers de sa situation présente dans l’accès de sensibilité nerveuse par laquelle Henriette répondit aux phrases si tendres de sa mère. Elles