Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/333

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ai demandé Henriette. Ce jour-là, du moins, sachez-le, je n’ai pas manqué à cet honneur. Je l’aimais. Elle m’aimait. Je sentais palpiter en moi toutes les forces de l’espérance et du dévouement. Je me croyais libre de recommencer ma vie. » Il ajouta, avec un visible et douloureux effort : « Je ne l’étais pas… » Il se tut, puis sur un geste de Mme Scilly : « Oh ! » continua-t-il, « je ne trahissais, je n’abandonnais personne en voulant me marier. Croyez que je me suis trop respecté, que j’ai trop respecté votre fille pour avoir, dans un si court espace de temps, passé d’une rupture à des fiançailles… Je n’avais eu dans ma vie, avant de rencontrer Henriette, qu’un seul sentiment digne de ce nom d’amour. Oui, j’avais aimé passionnément, follement, une femme qui ne m’était plus de rien, que je croyais ne m’être plus de rien. Il y avait des années entre cette passion et moi… J’étais sincère, bien sincère, en me croyant dégagé de tout devoir envers elle, surtout après ce qu’elle m’avait fait souffrir… »

— « Ne continuez pas, » interrompit la comtesse, « c’est l’éternelle histoire des jeunes gens. Vous avez eu une liaison indigne de vous. Cette créature a su que vous alliez vous marier. Elle avait des lettres de vous entre les mains. Elle vous a menacé de me les envoyer, de les envoyer à Henriette. Vous savez cette chère petite infiniment sensible. Vous me croyez très sévère. Vous