Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/334

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avez pris peur. Vous avez perdu la tête et vous avez voulu courir à Paris lui racheter votre correspondance… Vous ai-je raconté votre histoire, ou presque ?… Ce sont de tristes faiblesses que celles de la vingt-cinquième année, pour vous autres hommes. Mais vous n’aviez ni votre mère, ni votre père, et du moment qu’il n’y a pas d’enfant, pas d’être innocent qui porte le poids de cette faute… Car s’il y avait eu un enfant, vous me l’auriez dit, cela je le sais… »

Elle affirmait ainsi, la noble femme, une certitude qu’elle était loin d’avoir à ce degré, car elle avait fixé Francis avec angoisse en prononçant ces derniers mots. Il secoua la tête avec une mélancolie plus grande encore, et il reprit :

— « Vous voudriez m’éviter le chagrin d’un aveu détaillé, je vous en remercie. Mais j’ai commencé, j’irai jusqu’au bout. Il y a un enfant, une petite fille, et la mère était mariée… Vous voyez bien que j’avais raison de vous dire tout à l’heure que vous ne soupçonniez pas la nature du secret que vous me demandiez. Vous voyez bien que vous ne me connaissiez pas, ni mon passé. Une pareille aventure est simple et banale dans le monde où j’ai vécu. Je comprends que les mensonges et les trahisons qu’elle suppose fassent horreur à une sainte comme vous l’êtes. Et pourtant si je pouvais vous raconter par le détail ces funestes amours, leurs amertumes, les défiances et