Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/338

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Je l’ai vue, cette petite fille. J’ai vu mon sang. Ç’a été une de ces révélations foudroyantes qui envahissent d’un coup tout le cœur. Vous ne pouvez pas vous rappeler. Je vous avais quittées sur le prétexte d’aller à la Banque, je me suis fait conduire droit au jardin de l’hôtel en bas… J’y suis entré haletant d’une curiosité défiante, j’en suis sorti convaincu. C’était ma fille !… Depuis ce moment, c’en a été fait de mon bonheur. J’ai lutté, lutté afin de ne pas revoir cette enfant, pour qui je ne pouvais rien. Je l’ai revue. J’ai voulu revoir la mère. Quelle scène et dans laquelle j’ai entendu, avec une agonie de remords qui a fini de m’affoler, cette femme que j’ai aimée, ah ! éperdument, protester de son innocence, avec quel accent !… Si elle n’a pas été coupable, si je l’ai condamnée sur des apparences, qu’ai-je fait ?… Cette idée m’a été un nouveau couteau enfoncé dans la place la plus blessée de mon cœur… C’est alors que je me suis décidé à m’en aller. Et je serais parti, et sauvé peut-être, si cette inévitable destinée n’avait voulu que ce matin même Henriette, pendant que nous étions à la messe, causât, avec qui ? avec la petite Adèle qui lui a tout naïvement révélé ma présence chez sa mère… Quand je l’ai entendue là, tout à l’heure, qui me demandait pourquoi je lui ai caché cette visite, quand j’ai vu que l’instinct de son amour avait pénétré mon trouble de ces cinq affreuses