Page:Bourget - La Terre promise, Lemerre.djvu/337

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

étrangers affichés dans le vestibule de l’hôtel, j’ai pensé devenir fou de terreur. J’ai cru qu’elle venait ici pour se jeter entre Henriette et moi, pour m’arracher à mes saintes, à mes pures amours, au nom de ce triste passé. Après tout, elle avait été ma maîtresse et je l’avais quittée brutalement… Elle pouvait vouloir se venger. J’ai eu l’idée de vous parler alors comme je vous parle aujourd’hui. Je n’ai pas osé. Vous me disiez tout à l’heure que je vous croyais sévère. C’est vrai, et c’est vrai surtout que je vous respectais trop profondément. La pensée seule de vous raconter l’histoire de cet horrible adultère me répugnait tant !… Puis j’ai vu que Mme Raffraye vous évitait. J’ai compris qu’elle se trouvait à Palerme et dans notre hôtel par un de ces invraisemblables hasards qui vous font croire à une destinée. Elle en souffrait évidemment autant que moi. J’ai jugé l’aveu inutile. Je me sentais si fort de mon culte pour Henriette ! D’ailleurs, je n’avais jamais vu l’enfant. Cette petite fille était née après notre rupture. Je vous répète que je ne me croyais pas son père. Toutefois, c’est vrai, je n’étais pas absolument sûr que je ne l’étais pas… Et voici qu’un jour j’ai su, par Henriette même, que cette petite fille, dont je n’avais jamais voulu m’occuper, à cause de ce doute et de cette horrible possibilité, ressemblait à ma sœur d’une ressemblance frappante. Vous pensez si j’ai été remué.